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L'artiste

TRUONG CHANH TRUNG artiste multidiciplinaire
Démarche artistique

L’origine de la Voie est la Non-Voie.
La Non-Voie est aussi une Voie.
Pourquoi chercher dans l’effort la Voie ?
Même si nous trouvons la Voie, qu’est-ce que cela nous apporterait ?

 

La Voie change constamment.

 

 

Tout comme le décrit si bien ce texte chinois à propos de la Voie, je considère ma démarche artistique comme une non-démarche. Que je le désire ou non, celle-ci ne cesse de se transformer et d’évoluer à chaque instant, au gré du vent, au gré du temps.

 

Néanmoins, la préoccupation qui m'habite est celle qui permet d'harmoniser ma culture d'origine avec celle du pays qui m'a accueilli depuis presque 35 ans. 

Biographie

À la naissance de Chanh Trung Truong, à Cho-Lon, le Chinatown de Saïgon, en janvier 1943, la Deuxième guerre mondiale fait rage en Europe. Elle se termine à peine, que le brasier reprend de plus belle en1946 alors que la France tente de reconquérir l'Indochine. Après cette Première guerre d'Indochine (1946-1954), ainsi qu'on l'a appelée, la paix ne durera pas bien longtemps car la guerre renaît dès 1959 alors que s'opposent le Viêt Nam du Nord (Viêt Cong communiste) et le Viêt Nam du Sud. On l'appellera la Deuxième guerre d'Indochine.

 

Les parents de Chanh sont Chinois et vivent à Cho-Lon, le grand marché près de Saïgon. Trois des grands-parents de Chah sont Chinois et seule sa grand-mère maternelle est Viêtnamienne. Il se considère donc Chinois même s'il n'est pas né en Chine. Or, en 1959, les parents de Chanh décident de s'installer à la campagne. Ils estiment sans doute qu'il vaut mieux fuir la grande ville. Chanh, quant à lui, a décidé de demeurer à Saïgon car il souhaite faire des études en art. Il a 16 ans. Une grande, très grande solitude l'envahit. Malgré le fait que son père le laissait libre de choisir, quoi qu'il eût souhaité qu'il suive la famille, ce fut une période fort difficile. 

 

Vers 1960, Chanh réalise le portrait de son grand-père maternel qui décéda quelques mois plus tard. On en imputera la faute à l'artiste parce qu'il avait dessiné ce portrait.

 

Jeune, Chanh avait été impressionné par les grandes affiches publicitaires de cinéma. Il rêvait de dessiner les grandes vedettes du 7e art. La ténacité et le travail avec un maître lui permirent de réaliser ses ambitions. L'art est essentiellement figuratif à cette période. Le non figuratif n'existait pas.

 

À 19 ans, Chanh doit faire son service militaire et on lui permet de poursuivre ses études en littérature sino-vietnamienne à l'Université de Saïgon. Nous sommes vers 1963, le Viêt Nam est en guerre et, propagande oblige, Chanh réalise de grandes affiches publicitaires pour l'armée du Viêt Nam du Sud. Sa seule arme, c'est son pinceau chinois. Aussi incroyable que cela puisse paraître, Chanh n'a jamais pris une arme à feu dans ses mains. Et pourtant, il fait partie d'une armée et le pays est en guerre. On lui avait notamment demandé de faire une affiche pour encourager les filles à entrer dans l'armée. Il avait alors choisi la plus belle fille qu'il a vue.

 

Les États-Unis sont entrés dans cette guerre en 1965 pour s'en retirer en 1975. Les Viêt Cong ont alors fait chuter Saïgon en avril 1975. Saïgon prendra le nom de Ho-Chi-Minh-Ville. C'est aussi la fin des études de Chanh à l'université. Et pour cause : l'université n'existe plus. Il ne lui manquait qu'un seul certificat pour obtenir son diplôme. Les Viêtnamiens du Sud sont alors instantanément devenus des criminels. C'est le début d'une période d'endoctrinement, un véritable lavage de cerveaux. Chanh a 32 ans. Il est alors sélectionné par le nouveau Pouvoir pour enseigner aux soldats à faire des affiches. Il leur montre tout : composition, montage, production. Il tiendra le coup pendant quatre ans au bout desquels il tombe malade ce qui, dans un certain sens, le sauvera. Les céphalées le harcelaient. Il va alors faire de la comptabilité pour une coopérative de textile, un domaine qu'il connaît bien car ses parents, sa famille, avaient toujours oeuvré dans ce domaine. Cependant, Chanh était considéré comme le mouton noir de la famille car il n'avait pas acquiescé aux souhaits de ses parents, ceci étant considéré comme très grave pour les Chinois. On comprendra alors que Chanh ait été particulièrement tiraillé entre son désir de devenir un artiste et son devoir de suivre la tradition familiale.

 

En 1979, Chanh quitte le Viêt Nam pour se réfugier en Malaisie. Les céphalées qui le tenaillaient depuis longtemps disparaissent alors comme par enchantement. Il fuyait le communisme avec son épouse et leurs trois enfants âgés entre 6 mois et cinq ans. Ce sera un temps de misère et de pauvreté. Cependant, il ne se laisse pas abattre pour autant. Au camp de ces 40 000 réfugiés, tout fonctionnait en anglais puis traduit en vietnamien. Mais 80% des réfugiés sont des Chinois d'origine et ne parlent que chinois. Ils ne comprennent pas les annonces faites aux haut-parleurs. Chanh propose ses services comme interprète, ce qui lui valut une certaine considération. Il demeure ainsi en exil pendant un an.

 

Il avait d'abord rédigé des papiers pour émigrer à San Francisco. Mais une suite de circonstances le conduisent plutôt au Canada. C'est ainsi qu'il se retrouve à Stoneham, près de Québec, au Canada, en mai 1980. Brrr... ce qu'il fait froid ! Chanh et sa famille regrettaient la Malaisie. Ils étaient tristes de quitter ce pays. Mais ils ont été bien reçus par une famille québécoise qui les accompagnait tous les jours et leur apprenait notre mode de vie au quotidien. 

 

Apprendre la langue, - ce qui fut très difficile pour toute la famille - faire l'épicerie, comprendre la mentalité des gens de ce nouveau refuge, se déplacer en transport en commun, comprendre les us et coutumes du pays, etc. 

 

Trois mois après son arrivée, il s'installe à Québec, dans le quartier Limoilou. Pour quelque temps, il va passer d'un logis à l'autre. Au cours de cette période, Chanh va s'inscrire au cegep de Limoilou puis ensuite à l'Université Laval où il en sortira avec un baccalauréat en communication graphique, un autre bac en arts plastiques et finalement avec une maîtrise en arts visuels, le premier diplômé dans cette discipline à l'Université Laval. Entre temps, il fait 56 métiers pour nourrir sa famille.

 

Son épouse décède subitement en 1996. Chanh est atterré. Il se sent coupable malgré le fait qu'il ait réussi à nourrir sa famille. À 53 ans, c'est un nouveau départ. La vie ne lui fait pas de cadeaux. 

 

« Plus on étudie, plus c'est difficile en création car moins les gens acceptent ce qu'on fait comme art » confiera-t-il. Pourquoi peut-on se demander ? Son art est-il devenu trop intellectuel ? Le choc des cultures ? Si bien que les gens ne comprennent pas et ne semblent pas aimer ses oeuvres. Les galeries le refusent ou le boudent. Chanh s'inquiète de plus en plus. Le doute s'installe et le ronge. « Pourrais-je manger demain ? » se demande-t-il. . . avec 12 ans d'études universitaires dont quatre ans à Saïgon et huit à Québec.

 

Chanh était véritablement tombé amoureux de sa ville d'adoption. Il n'a eu cesse de produire des oeuvres picturales et des sculptures, d'enseigner la calligraphie chinoise, l'art du pinceau chinois, la peinture chinoise et la sculpture. Il pratique l'aquarelle sur papier de riz, l'huile sur soie (une technique typiquement vietnamienne), l'acrylique. 

 

Avant d'arriver à Québec, il avait exposé à Saïgon et à Kuala Lumpur. À Québec il expose depuis 1983 dans diverses galeries d'art, bibliothèques, Université Laval et Centres d'Art. Chanh aime les Québécois et il lui fait toujours plaisir d'accepter de participer à des expositions collectives, à des manifestations artistiques dans la rue ou à des symposiums populaires non seulement à Québec et dans les environs, mais dans d'autres régions, notamment à Kamouraska ou en Charlevoix. Les Québécois apprécient particulièrement ses performances de calligraphie chinoise – chacun souhaitant avoir son nom écrit en kanji – dans le cadre de journées multiculturelles ou lors de fêtes populaires.

 

Sa carrière lui a permis de recevoir plus d'une dizaine de prix et de bourses. Chanh est régulièrement invité à participer à des concours du programme d'intégration de l'art à l'architecture ainsi qu'à d'autres programmes visant à doter la Ville de Québec de sculptures dans les parcs et dans des lieux publics. Les citoyens et les touristes peuvent admirer ses sculptures, notamment le bronze de la tête de Clarence Gagnon dans le port de Québec, près des traversiers; le bronze de la tête de Nguyên Trai sur la rue d'Auteuil dans le parc de l'Esplanade; le bronze du monument à la mémoire des pompiers et policiers de Québec morts en service, situé sur le Boulevard Langelier; une série de dix oiseaux de bronze installés dans le parc linéaire de la rivière Saint-Charles; la sculpture de bronze, La Compassion, en hommage qux vingt-six communautés religieuses qui ont oeuvré dans le domaine de la santé au Québec. Cette sculpture est située à l'entrée de l'hôpital général de Québec, à l'extrême nord du boulevard Langelier. 

 

S'il est un artiste qui a vécu un grand nombre de deuils, c'est bien lui. Son chemin de vie lui a fait vitre bien des émotions de deuil qu'il a accepté de partager au colloque « Les brisures de la vie », organisé conjointement par l'AREABN et Deuils et Paroles de Bagneux, les 6 et 7 mai 2010 à Caen. Chanh tient à remercier les citoyens de cette région pour leur invitation et leur accueil.

 

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